Comme bien des jeunes Québécois, je suis partie dans l’Ouest canadien, à la recherche d’un emploi d’été et d’une immersion dans ma deuxième langue, l’anglais. J’avais 21 ans, un vélo de montagne, un sac de couchage et une grande soif d’aventure. Arrivée à Banff en avril 1994, un peu avant la saison touristique, j’ai séjourné à l’auberge de jeunesse le temps de me chercher du travail. L’endroit étant rempli de Québécois francophones, je me suis liée d’amitié avec une Japonaise qui m’a appris à compter dans sa langue, ce qui m’a été très utile pour servir les clients japonais à la boutique où j’ai finalement travaillé tout l’été.
Par l’entremise de nouveaux amis, j’ai rencontré un garçon charmant à Calgary, un artiste anglophone qui m’a donné envie d’oublier mes plans de rentrer au Québec. C’est vrai qu’il n’y a pas de meilleure manière de se familiariser avec une langue – ou d’oublier les différences de langue. Afin de rester avec lui, j’ai quitté Banff, trouvé un emploi à Calgary et entamé des démarches pour être admise à l’Université de Calgary. Il fallait tout d’abord que je maîtrise l’écriture dans la langue de Shakespeare, ce à quoi je me suis appliquée en suivant un cours du soir. J’ai découvert par hasard qu’il y avait à l’Université de Calgary un Centre de français, un endroit dédié à la conversation pour les étudiants de la langue de Molière. C’était le parfait endroit pour rencontrer des francophiles. À Calgary, j’ai entendu souvent le même refrain : « J’ai étudié en immersion française, mais je ne peux pas le parler maintenant. J’aimerais mieux parler Français ». Au Centre, j’ai eu la chance de travailler quelques heures chaque semaine comme monitrice de français et d’aider des étudiants qui, comme moi, voulaient être plus à l’aise dans une nouvelle langue. C’est là que j’ai découvert que si deux personnes n’ont pas la même langue maternelle, la première langue avec laquelle ils se parlent est souvent celle qu’ils continueront d’utiliser. Vingt ans plus tard, quand je parle avec mon ami John, que j’ai connu au Centre de français et qui habite maintenant à Vancouver, c’est toujours en français.
Je garde des souvenirs palpitants de cette période de ma jeunesse en Alberta. C’est aussi le point de départ de ma déception que nous soyons si loin d’être véritablement un pays bilingue. Ce qui m’est resté sont les amitiés avec des personnes qui ont fait l’effort de venir vers moi de toutes sortes de manières, comme moi j’allais vers eux. Je crois que c’est une des raisons pour lesquelles parler anglais demeure un grand plaisir pour moi.
- Annie à Montréal
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Like many young Quebecers, I went West, looking for a summer job and to immerse myself in my second language, English. I was 21 years old, with a mountain bike, a sleeping bag and a thirst for adventure. Arriving in Banff in April 1994 just before the tourist season, I stayed at the youth hostel while I looked for work. The place was filled with francophone Quebecers, and so I struck up a friendship with a girl from Japan who taught me to count in her language, which was very useful when serving Japanese customers in the shop where I finally worked all summer.
Through new friends, I met a charming boy from Calgary, an English-speaking artist who made me want to forget my plans to return to Quebec. It is true that there is no better way to learn a language – or to forget what a difference language makes.
To stay with him, I left Banff for Calgary, found a job and started the process of admission to the University of Calgary. First, however, I was going to have to master writing in the language of Shakespeare, so I applied for an evening English course. By chance, I also discovered that the University of Calgary had a French Center, a place dedicated to conversation for students of the language of Molière. It was a great place to meet Francophiles. What I heard often in Calgary was the refrain, “I took French immersion, but I can’t speak it now. I wish I spoke better.” At the centre I was able to work for a few hours each week as an instructor to help students who, like me, wanted to get more comfortable in another language. There I discovered that if two people do not speak the same maternal language, the first language they speak together is often the one they will continue to use. Twenty years later, my friend John and I, who I met at the centre and now lives in Vancouver, still always speak French together.
I have many thrilling memories of this period of my youth in Alberta. I also remember it as the beginning of my disappointment in the possibility of a truly bilingual country. . What has stayed with me are the friendships with people who made the effort to come in my direction in all kinds of ways, as I was going towards them. I think this is one of the reasons why speaking English remains a great pleasure for me.
- Annie in Montreal
photo credit: <a href=”http://www.flickr.com/photos/mfakheri/3165040536/”>mohammadali</a> via <a href=”http://photopin.com”>photopin</a> <a href=”http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/”>cc</a>